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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/250

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dégoût de l’existence », en réalité pour obéir à la mode romantique, trop faibles pour lui résister. Flaubert n’est pas éloigné de trouver cela, sinon très louable, du moins très beau. « Quelle haine de toute platitude, dit-il, quels élans vers la grandeur ! »

Un jour, Gérard de Nerval, se promenant, avec Alexandre Weil sur les bords du Danube, lui dit soudain : « Voyez donc, cher ami, comme cet endroit serait bien fait pour nous aider à sortir proprement de la vie. Le cœur vous en dit-il ? » Ce propos n’est pas très caractéristique, car on sait que Gérard de Nerval était sujet à des crises qui allaient jusqu’à la folie, dont il ne faut pas accuser le romantisme. Mais voici uneautre anecdote qui porte biensa date. C’est Maxime du Camp qui la rapporte dans ses Souvenirs littéraires : « J’ai entendu, dit-il, raconter à Ulric Guttinguer qu’ayant mené Alfred de Musset, alors âgé de vingt ans, à sa propriété du Chalet, située au milieu de la forêt de Trouville et d’où la vue s’étend sur l’estuaire de la Seine et jusqu’aux falaises de la Hève, le chantre des Contes d’Espagne et d’Italie s’écria : « Ah ! le bel endroit pour se tuer ! » Pourquoi cette idée quand on est un jeune poète heureux et déjà célèbre, quand on se promène devant un beau paysage ? Voilà le mystère romantique. Je crois qu’il pensait à la mort, parce que c’était une pensée à la mode,