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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/268

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tion romanesque (à peine) élevée avec les matériaux des Rêveries et tout l’apport nouveau d’amertume et de désenchantement que la vie avait rapidement accumulé dans l’esprit de Senancour. Il faut dire que l’auteur a toujours protesté contre cette interprétation ; peut-être de bonne foi, il voulait avoir créé une œuvre objective. Mais il n’était pas donné à Senancour-Obermann de sortir de soi-même. Et puis il est bien inutile de revenir sur ce point : l’hypostase est accomplie. C’est qu’il ne dépend pas d’un écrivain de se montrer tel qu’il se conçoit devant la postérité, qui ne tient compte ni des intentions ni même des volontés et n’accepte que les résultats. Or, le résultat, ici, selon le jugement de tous, est qu’Obermann est une autobiographie, avec les transpositions qu’inspirent à la fois la délicatesse et la logique. Mais les faits n’y sont presque rien. Tout est intérieur. Le thème nous en est donné par cette phrase des Rêveries : « Libre de tout assujettissement direct, libre aussi du joug des passions, je n’ai pu jouir de ma stérile indépendance. » Cela répond comme un écho à la plainte de René : « Mon âme, qu’aucune passion n’avait encore usée », etc. La suite est plus romanesque dans René, qui n’est qu’un épisode émouvant, plus amère dans Obermann, qui est comme le commentaire d’un désenchantement incurable mêlé à une ardente et vaine aspiration vers le bonheur ; « Je