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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/282

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dommage et le montra bien par la liberté de sa vie. M. Masson-Forestier affirme même qu’il ne se convertit guère qu’à son lit de mort, comme tous ses contemporains ; c’était l’usage, et Racine ne manifesta pas une piété beaucoup plus édifiante que les autres, même les notoires mécréants et libertins.

Un autre point de la légende racinienne que M. Masson-Forestier attaque avec le plus de succès dans son Racine ignoré, c’est le caractère même du poète, tel que nous l’a montré Louis Racine, et tous les suiveurs de ce biographe mensonger. Les épithètes que l’on accole le plus souvent au nom de Racine en font délibérément un être doux et tendre. Absurde ! dit M. Masson-Forestier. Racine était un être cruel et féroce en même temps qu’un retors et redoutable procédurier, un arriviste implacable, un courtisan sans scrupule. Et il prouve aisément tout cela. On trouvera même qu’il le prouve trop, mais il est toujours nécessaire d’exagérer un peu quand il s’agit de détruire une légende et il ne me déplaît pas, en somme, que le Racine timide et pleurard des portraits universitaires se change en un tigre, « en un beau tigre ». Les larmes de Racine ! Il en fit plus verser qu’il n’en versa lui-même et on fera difficilement croire à un lecteur de Racine que celui qui ordonna ces furieuses tragédies, ces caractères luxurieux et féroces, fut un