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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/340

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Cette vue était encore adoptée il y a une dizaine d’années. On était même allé plus loin que Wolf, et l’on avait supprimé jusqu’au nom d’Homère. Qui croyait à l’existence d’Homère passait pour un attardé. II était admis que l’Iliade et l’Odysée s’étaient faites toutes seules au cours des âges, aèdes ou rhapsodes apportant chacun un épisode, un discours, un incident à l’un ou l’autre des poèmes en formation. Quant à la logique qu’on y remarque cependant, on l’attribuait à une nécessité naturelle, sur laquelle, d’ailleurs, on insistait peu, sinon en des comparaisons grandioses. Frédéric Schlégel déclarait : « L’épopée homérique n’est pas une œuvre qui ait été conçue et exécutée ; elle a pris naissance, elle a grandi naturellement. » Plus tard, on ajouta : « L’épopée grecque est une production organique ; elle a dû croître comme un animal ou une plante, inconsciemment, par suite d’une force interne toute puissante. » A ce degré d’absurdité, il fallait s’arrêter et revenir en arrière ; c’est ce que l’on fit. Homère bientôt ressuscita. On en fit même un poète de cour, un favori du roi Crésus, fort ami de toutes les muses helléniques. C’est l’opinion de M. Bréal, qui fait donc vivre Homère au sixième siècle. Il faut sans doute le vieillir d’au moins deux cents ans et lui donner pour patrie et pour séjour les îles de l’Archipel. Une quantité de petits rois à la manière d’Ulysse, c’est-à-dire sei-