Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/46

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leurs maintenant, il faut, paraît-il, être prévenu, pour le voir, prévenu avec un certain mystère. C’est un tour que l’on a joué quelquefois aux imaginations faciles à troubler. Il y a une histoire. M. de B… la raconte fort bien ; vers la fin du dîner, mettez-le sur ce chapitre. » Je n’ai pas trouvé un mot à répondre : j’ai vu le portrait, mais comment m’aller vanter de ce privilège ? La pêche aux écrevisses continue ; on me somme d’y prendre part. Dans un cadre de feuilles, sous des aulnes argentées, la jeune femme, qui a désormais des droits à m’intéresser, semble absorber avec passion un livre dont elle coupe les pages du doigt. — M. de B… n’a pu rester à dîner et personne n’a reparlé de la chambre au portrait. Tant mieux. ......

(Fin des Notes de Voyage.) — Là, en effet, s’arrêtaient les pages crayonnées, Hubert s’étant mis à rêver à ses impressions, au lieu de les écrire. Il ne voulut pas les rédiger après coup, sans minutes préalables, afin de ne pas s’exposer à brouiller la chronologie des petits faits dont l’ordre logique est l’intérêt premier. — Le reste du carnet était blanc. Toutefois, en le feuilletant définitivement, il aperçut une feuille de papier détachée où se devinaient des intentions de vers. Ceci fixa plus étroitement encore sa pensée sur Sixtine : c’était bien d’elle qu’il était question dans sa prose, dans ses vers, dans sa vie.