Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/52

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nutile expiation d’un acte inéluctable. L’équivoque lue sur la face de Sixtine, c’est la marque d’élection, le signe de la passion possible, la preuve qu’elle est femme. »

Cette déduction rassura Entragues : désormais, avant de trembler devant le mot crime, il faudrait le qualifier. Une préalable distinction lui eut évité le ridicule sursaut dont s’étaient effarés les joueurs de jacquet. Maintenant, il acceptait volontiers une Sixtine voisine du crime et même une Sixtine criminelle : dans ce dernier cas, cela voulait dire, par exemple : elle aimait, on la trompait, elle empoisonna le trompeur. Ah ! il y a le pauvre empoisonné dont le sort peut troubler les sensibilités d’après coup : mais si au lieu de se défendre, Sixtine s’était laissée mourir, quel eût été l’assassin ?

Ce crime si gênant, d’abord, gagnait, insensiblement, des valeurs d’attraction. Un vieux désir, comme une autre vipère, remuait la queue : Ah ! baiser des mains empoisonneuses ! S’accoler à la chair d’une tueuse ! Par mépris de toute morale, donner du plaisir à celle qui provoqua, pour sa paix, des hoquets d’agonie !… Et il n’y avait peut-être rien que, vraiment, un jeu ! Oh ! elle en avait trop avoué, d’un seul mot, pour ne pas aller, tel jour, au bout de l’aveu : il saurait capter sa confiance. Pour le moment, comme il était impossible de pénétrer plus avant, faute de suffisantes lueurs, Entragues laissa toute analyse et dîna.

Ensuite, il recopia la séquence : parmi la rêverie, elle s’était obscurément refaite. Les mots voulus