Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendresse et son amour de l’indépendance, mais qui se résignera à un choix, que les circonstances feront pour elle ; comme l’indolence est un mauvais garde du corps, il est vraisemblable, qu’elle sera conquise…

— « Volée, cria Sixtine, volée ! c’est moi qui vous l’ai dit, j’attends le voleur !

— « Eh bien, parfait ! cela concorde. Conquise ou volée par quelqu’un qu’elle n’aimera peut-être pas, mais qui aurait été plus fin et plus fort que les autres. Conclusion : l’acquiescement final de sa nonchalance.

— « Cela, non. Il faut que le voleur me plaise. Mais pourquoi le futur ? Les destins sont peut-être accomplis, qu’en savez-vous ?

— « Oh ! rien, fit Entragues, un peu troublé. Seulement, en présence d’une femme les hommes songent au lendemain et non pas à la veille. Il semble que l’avenir leur appartienne, comme une nécessaire conséquence de la minute présente, et quand ils ne peuvent l’ordonner selon leur profit personnel, la vanité, du moins, ne serait pas fâchée de le réglementer un peu par insinuation. Le plus sot d’entre eux se croit né pour être directeur de conscience, et, au fait, comme ils ne savent pas se conduire eux-mêmes, c’est peut-être leur vraie vocation.

— « Il est certain, reprit Sixtine, que les femmes n’en sont pas plus heureuses pour avoir conquis la liberté de la bride sur le cou. Elles veulent, en général, trop de choses à la fois pour en vouloir une seule bien sérieusement et c’est leur rendre service