Page:Gozlan - Balzac chez lui, 1863.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
BALZAC CHEZ LUI.

parmi ces rats, il y avait progression de taille et de force des premiers aux derniers, ou plutôt des premiers aux suivants, car les derniers étaient loin d’être encore arrivés. Ceux qui s’étaient présentés d’abord, maigres, allongés, chétifs, avaient été suivis par d’autres d’un embonpoint plus généreux, lesquels, à leur tour, avaient été suivis par d’autres plus gros, procession graduée qu’il expliquait par une plus grande faim chez les premiers que chez ceux qui étaient venus ensuite. Prolongeant l’induction, Balzac, toujours d’après leur mine et leur allure, leur prêtait une profession ou une position sociale, afin de mieux expliquer encore leur plus ou moins de volume au point de vue de la santé et au point de vue de la considération personnelle. À mesure qu’ils se montraient, Balzac nous disait : « Voilà un clerc d’huissier à vingt francs par mois, sans déjeuner. — Voilà un surnuméraire aux finances. — Ah ! celui-ci est commis à douze cents francs : il est moins creux. — Celui-ci a deux mille francs, mais il a des vices. — Ah ! voici un chef de division : il prend du ventre. — Ah ! voilà un rentier : il est chauve. » On comprend que cette description physiologique ne fut pas de longue durée : quelle observation eût suffi à la multiplicité indéfinie des nouveaux survenants ? Le fond de la cour allait disparaître, il disparaissait à vue