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BALZAC CHEZ LUI.

ble de voir sa figure d’une manière assez suivie pour en retenir fermement les traits, pour pouvoir les grouper et les fixer plus tard sous la plume.

Ni à la lumière du jour, qui déclinait déjà beaucoup, il est vrai, quand je fus introduit, ni à la clarté des lampes qu’on ne tarda pas à apporter, cette figure ne se dévoila une seule fois franchement à mon regard. Je n’en saisis jamais qu’un quartier. N’y eut-il que du hasard dans cet accident, y eut-il de la volonté du personnage, c’est ce que je ne saurais affirmer : mais, par l’effet d’une cause ou d’une autre, ce masque m’échappa constamment sans qu’il y eût pourtant affectation apparente de sa part à se dérober à l’examen. Quel était donc cet homme ? C’est avec un simple mouvement de ses mains, qui me parurent d’un beau moulage, d’une rare expression de souplesse et d’autorité, et qu’il agitait parfois avec la coquetterie qu’y aurait mise une femme, et qu’il laissait tomber aussi parfois avec la lourdeur royale d’une patte de tigre ; c’est avec leur simple mouvement, dis-je, qu’il sut échapper à toute minutieuse analyse. Tantôt il les faisait se rencontrer sur son front comme un homme occupé à empêcher sa mémoire de s’évaporer, et alors son visage était à demi invisible ; tantôt il plaçait l’une ou l’autre en écran