Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/103

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on se demandera celui qu’ont eu Saint-Faréol et Saint-Michel pour se donner, une si délicieuse promenade : ce motif, le voici. Saint-Faréol n’est pas riche, mais il est laborieux ; Saint-Michel est à l’aise, mais il doit sa position à l’activité de Saint-Faréol. L’industrie de Saint-Michel est dans la fabrication des toiles peintes et des châles ; elle réclame une multitude de bras, et Saint-Faréol les fournit. Afin que le chemin fût plus court aux ouvriers, il fallait le rendre meilleur. L’ancien chemin n’était plus praticable. On l’agrandit, on prît sur la prairie, et l’on profita d’une petite rivière, la Serpente, qui passe près de là, pour alimenter un canal. L’endroit reçut de ces améliorations une physionomie nouvelle. Chaque fabrique, chaque manufacture se dessina, suivies côtés du chemin, des carrés de gazon, des jardins anglais, de petits parterres, riante préface de la maison de travail, dont l’aspect est toujours, si sévère. Enfin, la Prairie devint une délicieuse promenade, le rendez-vous des habitants des deux communes, l’endroit où les amants se voient pour la première fois, celui où les gens de la fabrique et les gens de la campagne se rencontrent le dimanche pour danser, quoique ces derniers n’aiment guère les mœurs de la population ouvrière. La Prairie a une place forcée, on le voit, dans le souvenir de toutes les choses un peu mémorables. On s’est vu tel jour à la Prairie, on se rencontra à telle heure du soir sur la Prairie. Il ne faut pas cependant qu’une jeune fille y soit vue trop tard. Un proverbe de l’endroit dit même : « Trop tôt à la Prairie, très-tard se marie. »

Ancien garde-chasse du prince, M. Leveneur, dont nous venons d’indiquer la demeure, est une autorité dans le pays ; mais, comme toute autorité, il est plus considéré qu’aimé, et encore cette considération ne résiste-t-elle pas toujours à l’analyse. De quel prince M. Leveneur a-t-il été