Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/115

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— Ah ! ce n’était certes pas mon intention, belle enfant.

— Vous désireriez ?

— Que vous eussiez l’extrême complaisance, de prendre ce billet.

— Et pourquoi ? reprit Manette étonnée.

— Pour le remettre de ma part à madame, votre mère.

— Je n’y manquerai pas, dit Manette en souhaitant le bonsoir au clerc et en se courbant pour entrer dans le panneau fermé par la demi-clôture de la porte, qu’elle ferma entièrement dès qu’elle fut passée.

— Le premier pas est fait, dit Janton, qui rampa le long des murs pour regagner son étage glacé. — C’est la sommation sans frais, ajouta-t-il. — Bientôt, la contrainte par corps !

Il rit du joli mot qui lui était échappé dans l’ivresse de son premier bonheur.

Quand il fut dans son lit, il vit passer comme dans un rêve de vertes prairies, des bois touffus, des champs de blé, qui ondulaient, et qui étaient lui ; ensuite sa jeune femme Manette, vêtue en nouvelle mariée ; il se vit passer lui-même, en grand costume, tenant dans la main droite la main de la belle Manette, et dans la main gauche son contrat de mariage, orne de faveurs bleues et roses. Dans le fond du tableau, il lisait sur une banderole ces mots, écrits en traits de feu : Opportune Janton, notaire royal.

Manette remit le billet de Janton à sa mère, qui, après l’avoir lu, dit :

— Ah ! cet excellent M. Janton ! Y a-t-il longtemps que nous n’en avons entendu parler ! Qu’a-t-il donc à me dire ?

Si Janton eût entendu ces mots mielleux sortir de la bouche de madame Leveneur, il n’aurait plus douté de son bonheur futur. Quelle suave espérance ou plutôt quelle ra-