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de belles marguerites de mai. Manette en choisit une, qu’elle plaça à sa ceinture. Ils arrivèrent bientôt à la fabrique, où ils furent parfaitement reçus, par les contre-maîtres, qui offrirent de leur montrer du commencement à la fin les transformations par lesquelles passe la laine avant de devenir ces beaux châles, objets de tant d’envie.

Il faudrait n’avoir pas l’ombre, d’intelligence pour rester froid devant les admirables métiers qui servent à ourdir ces trames sur lesquelles des mains miraculeuses jettent à l’infini des couleurs et des formes. Les deux femmes louaient beaucoup, Manette d’une façon aussi banale qu’elle le pouvait, de peur, en ne mesurant pas ses expressions, de paraître trop savante, trop grande dame à son père. Quant à M. Leveneur, il faisait toujours suivre ses compliments de ces mots : — Et combien fabrique-t-on de châles par an ? quel est le prix de revient ? quelle est la moyenne du bénéfice sur un châle ?

Et cela était dit du ton le plus éloigné de toute apparence d’affaires. Il n’avait pas l’air d’écouter même les réponses.

Tout avait été visité, vu, admiré : les visiteurs s’en allaient ; M. et madame Leveneur étaient déjà sur l’escalier lorsque Manette, en appuyant le doigt sur un bouton de porte qu’elle tourna, s’écria :

— Nous avons, oublié de visiter cette pièce… Oh ! pardon ! s’écria-t-elle en rougissant et en reculant vers l’escalier ; je pensais… je croyais…

Un jeune homme qui travaillait dans cette pièce s’était levé, et engageait beaucoup Manette à entrer, puisque son intention était de connaître dans tous ses détails la fabrication des châles.

M. et madame Leveneur revinrent, sur leurs pas.

— Mais, monsieur, dit Manette, nous vous dérangeons… vous travailliez..