Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/160

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gaire. Enfin, jamais un épicier ne donnera volontairement sa fille à un artiste. On a vu des miracles ; celui-là ne se verra jamais. »


— Tiens, dit Leveneur, c’est fort drôle ; il paraît que le père de cette Clarisse est un épicier comme moi. Connais-tu, à Serneuil, un épicier qui se nomme Trélard ?

— Non.

— C’est sans doute quelque épicier retiré. Mais voyons la suite de cette histoire.

— Quel supplice murmura Manette, dont le front suait la glace.

Madame Leveneur lut encore :


« Cependant, si le mépris de votre père pour les gens de mon espèce n’est pas douteux, il ne lui donne pas pour cela le droit de forcer sa fille à épouser un valet d’écurie… »


— Ciel ! dit Manette, toutva être découvert…

— Pourquoi t’arrêtes-tu ? demanda Leveneur à sa femme.

— Pour rien.

— Va donc !

Leveneur ne comprit pas la seconde analogie après avoir senti la première. Sa femme s’y arrêtait un instant comme pure singularité.


« Ainsi, croyez-moi, chère, reprit madame Leveneur, ne nous laissons pas vaincre tout d’abord par la mauvaise destinée. Vous avez quelques jours devant vous ; mettons-les à profit pour préparer un projet qui réussira infailliblement si vous m’aimez comme je vous aime, et je le crois. Ce projet, je vous le dirai, je vous en soumet-