Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/179

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voûte sur sa tête. En ce moment son énergie l’abandonna tout à fait, et il eut ce frisson d’acier qui trompe rarement quand il pénètre dans le cœur de ceux dont la peur n’est pas l’état ordinaire ; il se sentit dans l’impossibilité complète de faire usage de ses armes en cas d’attaque. Ce ne fut qu’un instant ; le lion rentra dans sa peau. Leveneur frappa du pied le sol en homme non-seulement décidé à braver le danger, mais à le provoquer, à l’aspirer par tous ses pores. Ses narines s’enflèrent, il respira fortement, et il se dit : Nous y voici ! Il était en effet au pied du chêne si exactement désigné dans la lettre de l’assassin. Accroupi dans la brume, il commence à creuser avec la petite bêche qu’il avait apportée ; en moins de dix minutes il a fait un trou de plus de deux pieds de profondeur. — Que signifie ? se demande-t-il avec étonnement en s’essuyant le front, je ne vois rien. Le voleur a dit de creuser dix-huit pouces ; en voilà plus de trente, et rien ! pas, de cassette ; toujours de la terre ! — Il recommence ; il bêche, il élargit le trou, il fouille encore… même déception. Une troisième fois il se dispose à reprendre son œuvre lorsque la lueur rouge qu’il a déjà aperçue à une lieue de là l’éclaire par derrière, s’épanouit, l’inonde, et projette son ombre gigantesque sur le chemin. Leveneur empoigne ses pistolets… se retourne pour faire feu… sa fille et Engelbert sont devant lui. Il recule, laisse tomber ses pistolets ; il veut parler, il étouffe, il recule et s’adosse contre le chêne.

— Le trésor n’existe pas, lui dit froidement Engelbert ; il n’y a pas de cassette. C’est moi qui ai écrit cette lettre qui vous a trompé, parce que je n’ignorais pas que vous les ouvriez toutes.

— C’est faux ! comment sauriez-vous ?…

— Je sais que vous les décachetez, parce que j’ai soupçonné d’abord que vous aviez ouvert la lettre que j’écrivais