Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/185

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Mais que faire ? Trois fois je me suis permis de prévenir madame votre tante que vous m’attendiez, et elle m’a toujours répondu : Le salut avant tout !… Mon neveu patientera… Il faut d’ailleurs qu’il s’y habitue. Demain, tu m’accompagneras encore, a-t-elle ajouté :

— Demain !… elle est donc devenue folle ?

— Oui, mon colonel ; et après-demain, et pendant huit jours. Il paraît qu’il y a en ce moment à Paris des prédicateurs en masse.

En se disposant pour que Poliveau lui fit la barbe, le colonel dit à demi-voix :

— Je dirai deux mots à ma tante… Je ne veux pas que mes gens soient constamment dehors pour elle… Cela me contrarie… me gêne… Eh ! mon Dieu ! que ne restait-elle à Poitiers ?… Elle à sa manière de vivre, moi la mienne… Mille tonnerres ! midi un quart… et je ne suis pas prêt…

— Vous voilà rasé, colonel… Maintenant, aux cheveux… Les passerons-nous à la teinture, aujourd’hui ?

— C’est indispensable.

— Oui, mon colonel… Les noirs ont, depuis huit jours, battu furieusement en retraite… les blancs en ont profité pour gagner du terrain. Opérerons-nous aussi sur la moustache et les favoris ?

— Ne veux-tu pas que j’aie les cheveux noirs et le reste blanc ? Mais hâte-toi…

— Oui, mon colonel.

Et Poliveau passa une première couche sur les cheveux de M. de Lostains, qui, de blancs qu’ils étaient, devinrent d’abord rouges. La seconde opération était destinée à les rendre bleus ; la troisième et dernière couche, noirs comme du jais.

Pendant ce travail, le colonel rongeait le frein, voyant