Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/195

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Un sourire de jubilation courut sur la face de Poliveau, à cette nouvelle du prochain départ de madame de Lostains.

— Madame la comtesse, je répéterai vos paroles à M. le colonel.

— Colonel de bénitier, murmura la vieille comtesse de Lostains avant de reprendre ainsi : Tu lui diras que je ne l’empêcherai nullement, s’il consent à ma proposition, d’aller du matin au soir à l’église, de faire maigre six fois par semaine, et de se donner la discipline au milieu de la nuit… Mon pauvre frère ! quel joli neveu vous m’avez ménagé pour les délices de mes vieux jours ! Enfin ! tu as compris, Maniveau ?

— Oui, madame la comtesse… Mais j’oserai dire à madame, avec tout le respect qui lui est dû…

— Voyons, qu’as-tu à me dire ?…

— Je crains…

— Après ?

— J’ai peur…

— Tu crains… tu as peur… parle donc.

— Que M. votre neveu, quoique vous aimant et vous vénérant beaucoup, ne veuille… ne puisse consentir à ce que vous désirez de lui… Mon maître est profondément voué aux pratiques religieuses depuis plusieurs années, tout en affectant d’aimer le monde et ses distractions…

— Vas-tu longtemps prêcher ainsi ? Que veux-tu dire ? Que mon neveu ne me permettra pas de manger du veau le samedi si j’en ai l’envie ?…

— Je le crains, madame la comtesse.

— Et qui te porte à croire cela ?

— Il s’est déjà exprimé sur votre compte d’une manière si franche…