Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/226

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faire pendre ailleurs ; toujours est-il que vous êtes averti.

« Adieu, mon neveu cher et affectionné.

Lucile de Lostains. »


— Qu’as-tu à répondre à cela ? demanda ensuite le colonel de Lostains en frisant la pointe de sa moustache grise avec la main gauche, tandis que de la droite il allait prendre au-dessus de sa tête le jonc à tête plombée qu’il emportait avec lui quand il servait de témoin dans quelque affaire d’honneur : un jonc superbe, de toute longueur, dur comme le fer, flexible comme une épée de Tolède.

De son côté, Poliveau jeta les yeux, dans son premier mouvement, sur un cangiar qui brillait au milieu de la panoplie du colonel.

— S’il ne m’abat pas du premier coup, se dit-il, je l’éventre comme un chien.

Le colonel et le soldat étaient en ce moment à deux de jeu. Voilà l’avantage qu’il y a à être servi par de vieux militaires. Cependant Poliveau fit cette réflexion presque aussi soudaine :

— S’il me donne le temps de parler, je sauve encore ma tête !

— Qu’as-tu à répondre ? dit une seconde fois le colonel de cette voix cuivrée qui se faisait entendre d’un bout à l’autre de la plaine de Grenelle les jours de grande revue.

— J’ai à dire…

Le colonel passait sa main frémissante sur l’arête lustrée et savonneuse du terrible jonc malais.

— J’ai à dire, mon colonel, que tout ce que madame votre tante de Poitiers vous écrit est vrai… C’est moi qui ai glissé le volume de Faublas dans la chambre de mademoiselle Marguerite…