Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/253

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bâtiment rustique dont les Anglais firent un hôpital durant la bataille. Madame Roland, du haut de l’échafaud, s’écria, en regardant une statue de la Liberté élevée sur la place de la Révolution : « Ô liberté, que de crimes on commet en ton nom ! » Au souvenir de ces belles paroles, je murmurai devant la ferme du Mont-Saint-Jean, où, d’après le rapport du major Awket, furent coupés en une seule journée plus de douze cents jambes et de quinze cents bras : « Ô gloire ! que de membres on coupe en ton nom ! »

Des rares maisons placées à droite et à gauche, de la longue rue de Mont-Saint-Jean, sortent à chaque instant de jeunes femmes qui accourent, très-coquettement parées, pour vous offrir des albums renfermant avec texte les principales vues, les plus remarquables sites, illustrés par les hauts faits, de la Grande Journée. Si vous êtes Français, ce sont les ouvrages français, bien entendu, qui vous seront offerts. Ces vendeuses sont partout : sur chaque tertre, au fond de chaque ravin, au pied des deux monuments funéraires que vous apercevez déjà, et même au sommet de la montagne du Lion. Rude métier ! Il n’y a pour elles abri ni contre la pluie ni contre la poussière et le soleil. Elles vous remercient avec beaucoup de courtoisie, que vous achetiez ou non leurs petites notices.

Nous voici parvenus à l’extrémité du village de Mont-Saint-Jean et bientôt à l’endroit où la bataille fut le plus chaudement engagée. À cette place, deux monuments sans faste ont été élevés à droite et à gauche de la chaussée par les armées coalisées à la mémoire de ceux qui travaillèrent valeureusement au succès de la journée et n’en jouirent pas. Le 18 juin, une formidable barricade allait d’un côté à l’autre du chemin. Le premier monument, celui qui est à droite, a été érigé à sir Alexandre Gordon, aide de camp de lord Wellington. C’est un tom-