Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/274

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consolait de l’inconduite et de l’abandon de son mari. Sa participation à une union malheureuse lui imposait le devoir d’en adoucir les suites pénibles ; tâche qu’il remplissait avec le dévouement d’un père condamné à réparer l’erreur dont il a chargé l’avenir de son enfant. Et, quand les forces de sa protégée cédaient au poids des chagrins, quand l’irritation du moral passait dans le sang et se changeait en une langueur fiévreuse, le docteur Young était encore là pour combattre la maladie avec l’arme de la science, comme il avait combattu la tristesse par la consolation. C’était presque toujours en lui montrant Lucy, charmante enfant qui promettait d’être si féconde en grâces et en beauté, qu’il parvenait à faire éclore un long sourire d’espoir sur les lèvres pâlies de mistress Philipps. Il sauvait chaque jour la femme par la mère, comme parfois on guérit un membre en soignant l’autre.

Inconcevable faculté de sa noble profession, le docteur Young exerçait également cette touchante paternité de la science dans vingt maisons différentes, sans être épuisé de paroles affectueuses et bonnes. A-t-on bien senti (je crois que non, et j’en ai peur pour l’ingratitude des hommes) le sacrifice de cet homme, qui, lorsque vous songez, vous, à votre fortune, à vos plaisirs, songe, lui, à votre vie, que vous lui rapportez souvent en lambeaux des combats du monde et des passions ; — il y a de la joie pour vous ; — il n’y en a pas pour lui. — Une opération a précédé son repas ; une opération attend son réveil : il ne faut pas que sa main tremble. — Sa boisson enivrante, c’est de l’eau. Vous riez ! — il pense ; — dansez au son des instruments et à la clarté des bougies — lui, reçoit dans ses bras la jeune épouse dont les douleurs d’enfantement ont été provoquées, par le bal ; et il passera huit heures de la nuit, debout, à lui dire : Patience ! madame : vous allez vous relever mère.