Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/288

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rible déception, ce qu’elle avait fait à Dieu pour être ainsi jouée.

Ce coup l’avait abattue. Épuisée, elle tombe sur le banc de pierre d’une place. Avec l’étonnement d’une somnambule qui a longtemps marché et qui s’éveille, elle se trouva à Saint-Pancras-Fields, terrain vague, triste, sans arbres, où ne croissent qu’un cimetière et qu’une église. De petites filles, uniformément vêtues de blanc, étaient réunies et ne jouaient pas ; une pensée sérieuse les occupait.

— Qu’attendez-vous là ? demanda mistress Philipps à l’une d’elles.

— Seriez-vous, madame, la mère de la petite fille noyée dont nous attendons le corps pour l’accompagner au cimetière, toute la pension réunie ?

Mistress Philipps chancela et cria d’une voix qui épouvanta l’enfant :

— Noyée ! et depuis quand ?

— Depuis hier, madame ; vous le savez bien, puisque vous êtes sa mère.

— Oh ! non, ma fille était encore vivante ce matin. Il y a donc des mères plus malheureuses que moi ! pensa-t-elle.

— Est-ce que votre fille est morte ce matin, madame ?

— Elle n’est pas morte, elle a été perdue dans Londres, et je la cherche.

— Ne pleurez pas ainsi, madame ; j’ai été perdue à l’âge de quatre ans, moi aussi, par ma bonne, et l’on me ramena chez moi.

— On te ramena, et vivante ?

L’enfant se mit à rire.

— Oui, on me ramena ; car on m’avait appris à dire :