Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/297

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— Notre fille, madame !

— Ah ! Dieu n’abandonne pas les pauvres mères ! Sarah, je suis folle. Entendez-vous comme il aboie ! Il n’a jamais aboyé ainsi. Noble chien ! noble bête ! Sarah, courons, courons vite ! Oui, Rog, oui, mon fils !

— Oh ! merci, Dieu ! merci, Rog ! merci, mon fils !

Mistress Philipps était tombée à genoux, n’ayant plus la force d’aller ouvrir au chien, qui aboyait en effet d’une manière étrange.

Sarah perdait la tête ; elle allait à la croisée, puis à la porte. Elle en revenait pour prendre la lampe, et fort inutilement, puisqu’il était déjà jour.

Enfin, elle ouvrit.

Rog aboyait et hurlait à la porte de la rue.

Mistress Philipps se traîna à celle de la chambre, puis sur le pallier, collant son front aux barreaux de fer de l’escalier.

Rog aboyait et hurlait toujours.

Et à ses aboiements se joignaient maintenant les paroles animées d’un homme, de plusieurs hommes. Un événement, à coup sûr.

La porte de la rue ouverte, Rog s’élance dans l’appartement, sale, hideux, crotté jusqu’au museau.

— Ah ! l’infâme voleur ! murmura un homme du bas de l’escalier ; votre chien m’a volé un gigot, mais il me le payera. À la première occasion, je lui couperai la queue au milieu des reins. Ceci, pour sa gouverne et la vôtre.

C’était tout, ce que rapportait Rog : l’os d’un gigot qu’il avait volé et dévoré en se promenant dans les rues de Londres.

Rog fit deux tours sur le tapis, mit son os entre les pattes, sa tête sur le gros bout de l’os, et s’endormit.

Comptez sur l’instinct des animaux !