Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/317

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lente maîtresse ! La laisserons-nous mourir de faim, Rog ?

On nous a pris, moi dans un hospice, toi dans la rue, et l’on nous a donné ici, à toi du lait, à moi du pain, Rog.

Rog aboie.

— Tu n’es qu’une créature sans baptême, c’est vrai ; mais tu n’es pas méchant, quoique un, peu voleur. Je te pardonne, mais il faut rendre tout à ta petite Lucy. Que ferais-tu de cet argent ? Du pain, tu en auras toujours ; de l’abri pour ton hiver, toujours ; et on te laissera ton collier.

Rog aboie.

— Puis nous allons mourir. Tu as douze ans, Rog, j’en ai bientôt soixante-dix ; tu es aveugle, je suis sourde. Et cette enfant, c’est si jeune, si beau, Rog !

Lucy passait affectueusement la main sur la tête de Rog, qui, à défaut des yeux, promenait son flair sur la peau douce de sa jeune maîtresse.

— Et nous quitterons ce vilain grenier, nous descendrons au salon ; Lucy reprendra le fauteuil de sa mère, moi mon fauteuil, toi entre nous deux ; et cet hiver, frileux que tu es, mon vieux Rog, tu te fourras dans les cendres tant que tu voudras, et je ne te gronderai jamais. Entends-tu, Rog ? Tu saliras tant que tu voudras les tapis.

Et Rog aboie chaque fois que Sarah prononce son nom.

— Viens, Rog ; viens, partons, et sois gentil devant M. le juge.

IX

Devant le juge, la question ne fut pas aussi compliquée que pour l’intelligence de la pauvre Sarah.