Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/332

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sie entre le mets et l’assaisonnement. J’ai toujours trouvé les gouvernements malins comme des singes, quoiqu’ils soient moins laids ; creusez-vous l’esprit, videz-vous la cervelle pour inventer une machine utile, qui apporte aux masses un soulagement, une sensation heureuse de plus : le gouvernement, ce pacha à trois queues, livré au sommeil pendant la pénible gestation de votre découverte, le gouvernement s’éveille tout à coup et dit : « Vous venez d’imaginer là un objet qui vous fera beaucoup d’honneur et dont vous tirerez un grand profit ; gardez l’honneur, nous allons partager le profit. — Mais vous dormiez dans votre vieille routine pendant que je passais des nuits à créer mon nouveau rouage ou ma nouvelle scie, mon vaisseau à vapeur ou mon chemin de fer, et vous demandez à partager les bénéfices ! — Je prends bien des droits avant tout le monde à la porte des théâtres, répond le gouvernement ; et, certes, je n’ai jamais composé aucune des pièces qu’on y joue. Ne faut-il pas que je vive ? — C’est juste, je l’avais oublié. »

Le gouvernement n’eut pas le temps de réaliser la généreuse pensée de frapper d’un impôt la découverte de Parmentier. 93 sonna, et il fallut faire la guerre au monde entier pendant vingt-deux ans.

La République réunit quatorze armées ; elle forgea des fusils, des sabres, des canons, elle pétrit de la poudre pour rendre invincibles ces armées ; mais, sans l’aliment dû au génie de Parmentier, elle n’aurait rien trouvé pour secourir les populations de nos villes et de nos campagnes, privées de tout commerce, de toutes relations, de toute industrie.

À cette époque, dont nous n’avons retenu que la gloire et les troubles civils, la faim désolait Paris, en atteignant partout les habitants — dans les hôtels, il est vrai presque