Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/347

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gands de matelots, dont je ne donnerais pas deux sardines ?

— Nous ne nous serons pas rencontrés, voulez-vous ?

— Soit !

— Voulez-vous mieux ?

— Parlez, capitaine Gueux.

— J’ai quelque, intérêt à sauver de la griffe des vôtres, capitaine Grenouille, dix bâtiments anglais attendus par les boutiquiers de la Cité. Voici l’intérêt que j’y ai : chaque propriétaire de ces navires m’a promis mille livres sterling, vingt-cinq mille francs de votre, monnaie, pour chaque vaisseau qui, escorté, défendu ou sauvé par moi, arrivera à bon port.

— Je vous écoute, capitaine Gueux.

— Parmi les chances fatales, vous n’êtes pas la moins à craindre. Si mes pauvres vaisseaux tombent sous votre grappin, j’ai peu d’espoir à la gratification. N’avez-vous pas de votre côté quelques bâtiments français à me recommander ? J’aurais pour eux les mêmes attentions que vous auriez pour mes protégés.

— Mais c’est une affaire, dit le capitaine Grenouille. Je ne vois pas pourquoi les négociants français ne m’assureraient pas les mêmes bénéfices sur leurs vaisseaux, sur dix de leurs vaisseaux dont je leur garantirais le retour au port ?

— Une très-belle, affaire ! ajouta le capitaine Gueux, et très-facile surtout. Chaque fois que vous rencontrerez un des dix vaisseaux anglais dont voici les noms sur cette liste, vous le laisserez passer sain et sauf ; et chaque fois que je rencontrerai un des dix bâtiments français que vous allez me désigner, j’userai des mêmes égards. Donnez-moi votre liste, capitaine Grenouille.

— C’est du pain assuré pour mes vieux jours, dit le capitaine Grenouille en dictant au capitaine Gueux les