Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/47

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— Et monsieur, où donc couchera-t-il ? demanda Mistral avec une anxiété comique.

— Chez qui il lui plaira, mon ami.

— Le feu est décidément dans les entrailles du château, murmura Mistral en recevant cette réponse ambiguë.

Tout le monde se levait pour partir, excepté Prosper, qui dormait comme un ours du pôle, et qu’on ne jugea ni à propos ni possible d’éveiller, lorsque la sonnette de la grande grille, celle que Sara avait si brutalement secouée en arrivant au château, tinta, mais d’une tout autre manière.

Le commandant Mauduit et Mistral échangèrent encore un regard, mais cette fois celui du domestique marseillais ne s’abaissa pas.

Resté avec son maître en arrière de tous les convives qui regagnaient en causant, en chantant, leurs chambres, il lui dit : « Il n’y a que mademoiselle Suzon qui sonne ainsi. »

Tandis que Sara et les siens, parmi lesquels se trouvait de Morieux fort content de sa soirée, disparaissaient dans les hauteurs et les circonvolutions de l’escalier, une femme, d’un pas sec, vif et précipité, franchissait, les yeux fixés sur les croisées illuminées du château, la distance qui s’étendait entre la grille et le corps même du bâtiment.

Le commandant Mauduit s’arrêta comme pétrifié, un flambeau à la main, à la place qu’il occupait quand la fatale sonnette avait retenti.

Qu’à l’aide de la mémoire historique on prenne la peine de se souvenir de Charles-Quint entrant dans sa bonne ville de Gand après en avoir rudement châtié les bourgeois, au nombre desquels il tenait pourtant à honneur d’être compté ; à défaut, qu’on se souvienne de Louis XIV se montrant, la cravache à la main, à son parlement, et l’on