Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/67

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— Et bientôt ?

— Quand tu voudras… dans trois mois…

— Dans un mois.

— Dans un mois, soit ! Et tu ne me quittes plus ?

— Plus.

Suzon baissa une seconde fois les yeux ; le commandant la serra contre lui ; mais dans ce mouvement, fait sans doute à faux, ils tombèrent tous les deux dans le fauteuil où donnait Prosper, qui, éveillé, on l’eût été à moins, par ce double poids assez lourd, se redressa et jeta la surprise et l’épouvante dans l’âme de Suzon.

Le cri de terreur de la cuisinière permit à Sara et à ses élèves d’en pousser plusieurs autres des plus ironiques et des plus bouffons, qui furent mis sur le compte de l’écho. Elles regagnèrent l’escalier après en avoir assez vu et assez entendu pour édifier tout Paris à leur retour.

Prosper, en revenant un peu à lui et en cherchant encore, ivre, pâle et chancelant, à regagner sa chambre, eut un mot d’un comique rare. Il se tourna vers Suzon, et, comme s’il se fût agi de l’apitoyer sur un malade en voie de convalescence, et qui est encore dans l’impossibilité de se tenir sur ses jambes, il lui dit :

Je suis encore si faible !

Quand cette importante convention eut été passée entre le commandant et Suzon, et que celle-ci fut sur le point de se retirer, heureuse et fière comme la veuve de Scarron la nuit où Louis XIV lui dit : « Vous serez ma femme, » elle fut une dernière fois arrêtée par le commandant.

— Suzon, maintenant j’attends de toi une faveur.

— C’est ?…

— De fermer les yeux sur tout ce qui pourrait te déplaire pendant le séjour de ces personnes, de ces dames,