Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/71

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la chaussure de ces gens-là ?… à celle qui doit être… un jour… bientôt… Comme elle me recevrait ! Elle aurait raison… Et les autres domestiques sont sous clef, et ces clefs, Suzon les a… Aller l’éveiller pour les lui demander, elle croirait que c’est pour un tout autre motif… et elle ne m’ouvrirait pas… Terrible embarras… Il faut pourtant en sortir ; mais comment ?… N’importe comment !…

Et le commandant redescendit l’escalier ; prit celui qui menait aux cuisines, et foulant tout préjugé humain, il saisit de ses mains tremblantes de colère et de dépit la boîte à cirage et la bouteille au vernis, puis il remonta rapidement.

Il posa son flambeau sur une marche de l’étage placé au-dessous de celui où se trouvaient la chambre de Sara et celle de Morieux, s’assit au bord d’une autre marche, et, le front en sueur, quoiqu’il, fit un froid horrible dans l’escalier, l’oreille aux aguets, il prit d’abord les brodequins de Sara, et se mit en devoir de les brosser avec la brosse sèche. Horrible besogne ! Il fallut l’entreprendre ; il fallut qu’il la recommençât pour les brodequins de mademoiselle Paillette, pour les brodequins de mademoiselle Tabellion et pour les bottes de Morieux ! Comme il ne s’était jamais livré à ce poétique exercice, il s’y prenait fort mal, étendait la poussière au lieu de l’enlever, la respirait, s’en remplissait la bouche, la gorge et les yeux. Il toussait, il rageait, il éternuait. Enfin, il s’agita de tant de façons, qu’il éveilla l’attention de ses hôtes, qui, trop émus par les fumées du souper, n’avaient pas encore fermé l’œil, excepté, bien entendu, Prosper, qui avait dormi trois ou quatre heures. Tous, par un instinct discret, ouvrirent à tâtons et mystérieusement la porte de leur chambre pour voir d’où venait cette sourde rumeur. Un instant après, ils étaient silencieusement réunis dans les ténèbres de l’étage, supérieur à celui où Mauduit ci-