Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/82

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— Beziers, as-tu tenu des propos contre la religion réformée ?

— Je ne me moque pas mal de leur religion réformée ou déformée !

— As-tu parlé politique dans quelque établissement public ?

— Est-ce qu’on parle de quoi que ce soit avec un Hollandais ?

— As-tu ?…

Mais nous nous trouvâmes tout à coup, après avoir suivi assez longtemps un embranchement du canal, à l’extrémité de l’arc d’un bassin assez vaste dont l’aspect nous surprit. Beziers lui-même se tut pour admirer.

Nous n’étions réellement plus en Hollande, en Europe, mais à Nankin ou à Pékin, devant la ville la plus chinoise de la Chine. De la surface de ce lac tranquille, vert comme une émeraude, mon regard monta : avec admiration sur les bords d’une cité fantastique, blanche, rose, jaune d’or, bleu, de ciel, jonquille, gris tendre, et étagée sur des contre-forts de gazon peignés comme la chevelure d’une bayadère. Chaque maison perçait l’azur du ciel de ses toits en pointe, courbés en sabot, comme le sont les toits des pagodes. C’étaient de véritables pagodes : les unes en porcelaine blanche vernie ou bleue laitée, les autres en brique, les autres en marbre pur, les autres en bois doré, avec des clochettes d’or, d’argent, ou faites de pierres transparentes ; et à travers ces groupes de palais aériens, qu’on ne voit qu’autour des tasses du Japon ou sur les lames des paravents de laque, se détachaient des arbres comme on n’en voit nulle part, végétation dès rêves, ou tels peut-être que ceux que Hoffmann dessinait à moitié endormi sur les tables des estaminets de Bamberg. C’étaient des arbres tout d’une venue, frêles, fluets, excessivement touffus à leur ex-