Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/93

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qu’elles se marient ainsi. Ce sont des multiplications qui s’allient à des additions.

Enfin, mon guide vient m’annoncer qu’on daignerait recevoir le neveu du célèbre M. Coutt.

Je fus admis.

Avant d’être présenté, on me pria de fourrer mes pieds dans des pantoufles en cachemire blanc d’une finesse rare. Je me soumis à l’usage, et je fus alors introduit dans un salon où le maître de la maison m’attendait. Je crus voir le grand khan de Tartarie. Une robe de chambre en soie grise, semée de dragons d’or et de monstres qui jetaient des flammes par les narines, enveloppait son corps d’un embonpoint asiatique. Ses beaux cheveux blancs sortaient de dessous un bonnet quadrangulaire et ressemblant assez à l’étage d’une pagode. Je l’aurais mieux observé si mon attention n’eût été tout entière attachée aux meubles et aux ornements du salon où il me recevait. Ici l’éclat, la richesse, la propreté, passaient tout ce que, l’imagination enfante dans ses plus grands efforts. Peut-être est-ce trop beau pour l’homme, et ses sens sont-ils faits pour moins de délicatesse. Cette exagération touche d’un côté à la fatigue, et de l’autre au ridicule. N’est-il pas ridicule, en effet, d’enfermer les pattes des chiens et des chats dans des espèces de mitaines, de peur qu’ils ne souillent, en passant la mousse des tapis ou la vapeur de l’ébène ? Et quels tableaux ! et quels paysages ! Les Teniers, les Vouvermans, les Mieris, les Hobbema, les Berghem, ont travaillé pour ces chaumières, et, depuis le jour où, sortis de leur atelier, ces chefs-d’œuvre sont venus là, ils n’ont plus été décrochés, immobilité qui les rend, si c’est possible, plus beaux et plus sacrés.

— Voulez-vous voir mes fleurs ? me demanda mon hôte.

— J’allais vous demander cette faveur.