Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/95

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bruit autour de moi ; le silence étendu sur sa maison me navrait.

Nous passâmes à la laiterie ; où je vis des vaches dont les cornes et les sabots étaient dorés, et dont la queue s’attachait au plafond avec un ruban rose. Pauvres bêtes !

Si je ne vous rapporte pas très au long ma conversation avec mon hôte, c’est que mon hôte ne causait pas beaucoup, il savait que j’étais très-riche, cela lui suffisait apparemment.

— Combien êtes-vous d’habitants à Broek ? lui demandai-je avant de prendre congé de lui.

— Cinq cents.

— À peu près cent familles ?

— Oui, me répondit-il ; et à nous tous, ajouta-t-il, nous sommes plus riches que tous les souverains des quatre parties du monde.

— Êtes-vous heureux ?

— Hum ! hum ! fit-il.

— Je comprends : vous avez aussi vos peines.

— Tenez, je serai parfaitement heureux quand j’aurai reçu de Sumatra une fleur que je désire depuis quatorze ans.

— Et quelle est cette fleur ?

— Le krubul.

— Qu’est-ce que le krubul, je vous prie ?

— C’est une rose qui a neuf pieds de circonférence. Le calice de cette fleur gigantesque peut contenir douze pintes de bière, et son poids est de quinze livres environ.

— Une rose de quinze livres ! — Son parfum est-il du moins en proportion de sa grandeur ?

— Ses feuilles ont le goût de la viande, et elle répand une odeur de cadavre si forte, que les mouches s’y trompent et viennent y déposer leurs larves.