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le dragon rouge.

et attaquée elle-même par une autre armée turque, accourue au secours des assiégés.

Les nobles spectateurs, tous militaires, à peu près sans exception, frémirent d’attention sur la triple ligne des galeries.

« Le prince Eugène, continua le lecteur, a vaincu les ennemis du dehors et les ennemis du dedans par sa tactique éprouvée et par le courage infatigable de ses soldats : le même siège lui a valu deux victoires.

« Tous les officiers polonais présents au siège de Belgrade ont fait leur devoir. Voici les noms de ceux que l’histoire doit conserver dans ses pages, à l’honneur de notre patrie. »

À mesure que les noms tombaient un à un de la bouche de l’officier de la couronne, il se produisait dans l’air des acclamations triomphales ; on courait embrasser dans les loges la famille de ceux qui étaient mentionnés avec gloire.

Après cette énumération, si chère au cœur des spectatrices, on pensait que l’officier de la couronne allait se retirer. Il fit un second appel au recueillement de la salle.

« Un incident des plus honorables, des plus glorieux, reprit le lecteur, a marqué le cours de ce siège, un des plus mémorables dont la postérité gardera le souvenir. »

Le silence de la salle eut dans ce moment quelque chose de l’épaisseur de la nuit.

« Pour enlever la principale redoute, continua l’officier de la couronne, on avait déjà, pendant la nuit, attaché le mineur aux flancs de la forteresse, malgré la surveillance des sentinelles, la largeur des fossés, et de nombreux obstacles de résistance ; on s’était ensuite retiré. Le mineur travaillait depuis trois jours à se creuser un trou dans la pierre pour y établir la mine destinée à faire sauter la redoute et favoriser le passage des troupes impériales, lorsque les Turcs, redevenus maîtres des écluses, lâchèrent les eaux dans les fossés, qui se trouvèrent pleins en quelques heures. Ainsi le