Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/118

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xii


Cette nuit devait être une nuit bien agitée aussi pour le marquis de Courtenay ; elle dévoila à ce corps, chétif et frivole comme celui d’un oiseau, qu’il avait un cœur, du moins une passion dans sa poitrine, encore plus étroite que sa tête ; passion née dans les amusements de la vanité, au bruit des fêtes, légère d’abord comme la flamme d’un caprice, développée ensuite de jour en jour, et devenue enfin impérieuse, comme toute passion encouragée. L’étincelle s’était grossie en incendie.

Le marquis mit du point d’honneur à ne pas s’opposer à l’opinion du monde, qui, entre une foule de jeunes gens remarquables, le regardait comme l’adorateur préféré de Casimire. Comment repousser une réputation si flatteuse pour sa vanité ? On la lui imposa, il la garda par amour-propre. Plus tard il crut la justifier, la mériter par la supériorité de ses qualités personnelles. Malheureusement pour lui, il céda à cette complaisance orgueilleuse, juste à une époque où Casimire n’exigeait pas de difficiles efforts pour exciter l’admiration. Ainsi le marquis de Courtenay fut victime de la comédie à laquelle il s’était prêté, et, semblable à ces acteurs surpris, emportés par leur rôle, il finit par mettre du sien, par aimer véritablement d’amour.