matinée, et passait des nuits entières à pleurer. Son sort allait être tout ou rien, elle le pressentait. Y avait-il une bien large part pour les souffrances solitaires du marquis de Courtenay entre deux attentes aussi décisives ?
Un matin qu’elle souffrait de cette torture morale, Marine entra dans sa chambre ; elle lui dit :
— J’ai rêvé cette nuit que nous nous promenions dans le parc de Saint-Cloud, sur ce gazon qui va d’une porte à l’autre. Que c’était beau ! Je crois que je l’aurais mangé de plaisir. Voudrais-tu te promener à Saint-Cloud ?
— T’ennuirais-tu ici, nourrice ? lui répondit Casimire.
— Cela commence. Mon joli rêve est venu comme un cheval à qui veut partir.
— Alors, décidément, tu veux t’en aller.
— Il ne faudrait pas me dire deux fois de faire mes paquets. Ah ! si monsieur ton père nous envoyait un petit mot de permission pour aller le trouver.
— Mais où ?
— Est-ce qu’il n’est pas à Paris ?
— À Paris ! répliqua Casimire en souriant.
— Où diable fût-il, nous irions.
— Je ne t’ai jamais vue si décidée, Marine.
— C’est qu’on ne laisse pas ainsi toute la vie deux femmes seules.
— Courons-nous quelque danger ? Nous sommes au milieu d’amis…
— J’aime mieux les amis de notre pays.
— Ils nous ont prouvé que leur cœur…
— Pourquoi ont-ils une langue ?
— Qu’ont-ils dit ?
— Ce qu’ils ont dit ? Ah ! ce qu’ils ont dit ! des sottises, des faussetés, des mensonges.
— Ils ont dit sur toi, ma pauvre Marine ? Tu es bien assez jolie pour cela, mais tu n’es pas encore assez grande dame.