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le dragon rouge.

pour mari, je l’épouserais, et vous ne vous y opposeriez pas.

— Celui-là, malheureusement, ma pauvre Léonore, n’existe pas.

— Mais oui, il existe, chère maman, s’écrièrent à la fois Tristan et Léonore, puisque, reprit Léonore, mon oncle le commandeur est exactement semblable au portrait que je viens de faire.

Madame de Courtenay se leva brusquement, laissant tout surpris de ce mouvement spontané Tristan et Léonore.

Ce collier m’écrase, cette ceinture m’étouffe, dit la marquise, qui prit ce faux prétexte pour aller cacher à quelque pas de ses enfants l’effet produit sur son visage par la commotion dont elle avait été frappée.

Après avoir mis le plus de temps possible à ouvrir son collier et à dénouer sa ceinture, elle revint, plus pâle que le mantelet d’hermine dont elle n’avait pas encore dépouillé ses épaules, reprendre sa place entre ses deux enfants.

Elle reprit avec un calme affecté :

— Mais vous avez donc parlé de tout, ce soir, pendant mon absence ? Et vous, monsieur Tristan, quel rêve doré avez-vous fait en compagnie de votre sœur ?

— Moi, j’étais tout simplement ambassadeur comme grand-papa, dont voilà le portrait.

— Vous avez été bien plus raisonnable que votre sœur, si vous n’avez pas été excessivement modeste, dit madame de Courtenay à son fils, svelte adolescent, d’une taille adorable d’élégance et de distinction pour son âge, ressemblant à ces spirituels pastels laissés par le crayon bleu et rose du dix-huitième siècle. Bouche fleurie, regards doux et presque noirs déjà, joues blanches et minces, recouvrant des pommettes spirituelles, coquettes, incisives. Un charmant habit de soie couleur d’eau argentée, fourreau flexible, s’arrêtait étroitement à son cou, tout nu, tout blanc, tout fier comme celui d’un jeune cygne. Ses fines jambes de gentilhomme avaient la légèreté, la prestesse et la grâce étourdie de celles du chevreuil ; c’était un faon.