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le dragon rouge.

renverser le roi, eh bien ! nous leur ferions couper la tête…

— Méchant ! s’écria Léonore.

Madame de Courtenay poussa un cri affreux. Elle posa une main tremblante sur la bouche de son fils, et, les forces lui manquant avec la voix, elle se laissa, toute défaillante, tomber en arrière.

— Ma mère ! ma mère ! qu’avez-vous ? Du secours ! du secours !

Tristan sonnait d’un côté.

Léonore sonnait de l’autre.

Les deux pauvres enfants perdaient la tête.

Marine et un valet de pied parurent enfin.

— Marine ! accompagnez ma fille à sa chambre. Elle va se coucher. La marquise baisa Léonore au front.

— Poitevin ! éclairez monsieur, qui se retire aussi.

La marquise embrassa Tristan.

Restée seule, la marquise porta les yeux et les tint douloureusement fixés sur le portrait en pied du comte de Canilly, son père, peint en costume d’ambassadeur.

Les regards de la marquise s’étaient particulièrement portés, dans leur profonde absorption, sur une ligne tracée autour du cou du comte de Canilly.

Cette ligne était rouge comme le serait la trace d’un coup de couteau circulairement donné autour d’une grenade. On sait ce qu’elle indiquait.

La marquise se leva en sursaut ; elle avait cru entendre les pas des chevaux dans la cour.

Elle se trompait. La voiture n’était pas encore arrivée.

Elle retomba dans sa méditation devant le portait de son père. Ce fantôme évoquait pour elle un passé de douleurs, plus poignant que jamais à l’heure présente et à cause des événements qui venaient d’avoir lieu à la Comédie-Italienne.

Le dragon avait tenu parole, lui et elle devaient se revoir. Ils s’étaient revus.

La marquise, toujours les yeux fixés sur le portrait de son