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le dragon rouge.

la plume à Léonore, qui va vous raconter sans doute ses impressions avec la même franchise.

« Votre fils, Tristan. »

— Grâce au ciel ! s’écria la marquise, il ne m’a pas dit un mot de cet Alvarès. Il n’était pas à cette fête où Tristan aurait prudemment fait de ne pas conduire sa sœur. J’ai eu une fausse terreur. Que me dit Léonore ? Voyons.

« Ce don Alvarès, dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre, m’a avoué, et je vous l’avoue à mon tour, chère maman, que la fête à la Grotte de Calypso était donnée pour moi. »

— Ah ! je m’étais trop tôt rassurée ! s’écria la marquise. Voilà cet Alvarès qui reparaît, et auprès de ma fille ! Mes craintes recommencent.

« Aussi, tandis que chacun se livrait aux plaisirs bruyants de la fête, lui ne m’a pas quittée un seul instant. Il me disait a que toutes ces femmes ne valaient pas mon ombre, qu’à leur folle gaieté il préférait un de mes sourires ; enfin il m’a dit qu’il m’aimait beaucoup. »

— Avec quelle naïveté elle parle de son danger ! s’interrompit en frémissant la marquise.

Elle reprit :

« Vous m’avez recommandé la plus grande franchise envers tout le monde, chère maman ; aussi est-ce avec franchise que je lui ai répondu que ses compliments me flattaient beaucoup, et que, s’il m’aimait, j’avais pour lui, de mon côté, des sentiments affectueux dont je ne me cachais pas. »

La marquise murmura : — Mon Dieu ! dans quel piège va-t-elle tomber ? Elle y va seule !

« Je me suis conduite, chère maman, comme vous me l’avez conseillé. J’ai dit ce que j’éprouvais, et je ne veux pas être moins sincère en vous avouant que, si je trouve don Alvarès un jeune homme accompli, pétillant de grâce, plein d’attention pour moi, je ne le mets pas au-dessus de mon oncle bien-aimé, le commandeur, quand je les compare