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le dragon rouge.

Qu’était-elle en comparaison avec son titre de vicomtesse qui la rendait tout au plus digne d’épouser un jour quelque comte ruiné ? Et encore, lui disait-il, nous sommes ici dans un désert ; que serions-nous, jugez-en vous-même, si nous figurions dans une cour d’Allemagne, ou en Espagne, au sein de la grandesse castillane ? Je ne sais pas, en vérité, ce que nous deviendrons. Je veux donner une poussée à ma race qui n’a pas marché depuis un siècle. Je veux être grand pour éblouir un gendre, et mettre ensuite, par une substitution dont on ne peut me refuser le droit, toutes les dignités que j’aurai acquises sur la tête de votre futur fils aîné. Je sais que j’ai beaucoup d’ennemis, — toujours ses ennemis ! — mais nous les vaincrons, si vous m’aidez. Pourquoi ne m’aideriez-vous pas ? N’est-ce pas à votre bonheur que je travaille ?

— Le moment est à la fin venu, dit-il un jour à Casimire, en l’entraînant mystérieusement dans l’endroit le plus retiré de son cabinet, de vous révéler l’œuvre immense à laquelle ma sollicitude pour vous me fait travailler sans relâche depuis un an.

Le comte s’était assuré que personne ne viendrait les déranger pendant le grave entretien qu’il allait avoir avec sa fille.

Il ferma la porte à double tour, et, après avoir fait asseoir Casimire près d’une table sur laquelle étaient des monceaux de vieux parchemins, plusieurs liasses de papier, quelques médailles d’argent et de cuivre, un cachet et un antique nobiliaire, il lui dit :

— J’ai besoin de vous recommander avant toutes choses la plus inviolable discrétion.

— Mon père, répondit Casimire, comme vous êtes ému !

— C’est que la confiance que je place en vous, Casimire, est au-dessus de tout. S’il transpirait un mot de la confidence que je vais vous faire, je serais exposé aux plus grands dangers.