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le dragon rouge.

— Laissez-moi pleurer !

— Mon père !…

— Ne me disputez pas le bonheur de me plaindre, ne troublez pas la majesté du désespoir.

— Mon père, j’épouserai M. de Marescreux, je l’épouserai !

Le comte se leva en éclatant de rire.

Casimire crut que la douleur avait rendu son père fou ; elle répéta :

— J’épouserai M. de Marescreux, vous dis-je, j’épouserai qui vous voudrez.

Le comte riait toujours. Il n’y avait plus trace de douleur ni de larmes sur son visage.

— Folle ! cent fois folle ! mais non, vous ne l’épouserez pas. Il faut donc tout vous dire ? Comment ! comment ! vous avez pu supposer que la fille d’un prince souverain, comme je vais l’être, deviendrait, de mon consentement, la femme d’un simple duc, que j’aurai fait moi-même ? Vous n’avez donc pas vu le piège où je vous entraînais ? Ah ! votre peu de progrès me fait peur. Quelle ignorance absolue du cœur humain elle dévoile ! Mais il faut seulement laisser croire à M. de Marescreux que vous consentez à devenir l’épouse de son fils aîné ; nous trouverons ensuite mille moyens d’éluder notre promesse avant le jour de l’exécution.

— Mais ces pleurs que vous avez répandus, mon père !…

— C’est une leçon que je vous donnais. Cherchez-les, ces pleurs.

— J’ai cru…

— Ne croyez jamais, doutez, doutez. Ah ! vous croyez encore aux larmes ! Alors je désespère de vous.

Casimire regardait son père avec une joie hébétée.

— Allons ! allons ! prenez une plume, et écrivez au bas de ce portrait, comme le désire M. de Marescreux, offert par moi, Casimire de Canilly, à M. de Marescreux. Puis, laissez, je vous le répète, s’accomplir les événements, et vous verrez à