Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
le dragon rouge.

— Contre la France ! oh ! non, jamais ! Le régent m’abreuvât-il d’outrages, la cour fit-elle briser mes armes à coups de hache par le bourreau, tous les biens de notre maison fussent-ils injustement expropriés, ma tête et celle de mon frère fussent-elles mises à prix, je n’irai jamais, pour me venger, offrir à l’étranger mon épée et mon bras contre la France !

Casimire pâlissait.

— Ceux qui ne pensent pas ainsi, ceux qui tournent leur colère contre la patrie innocente de leurs malheurs, ceux-là ont oublié, dans un moment de délire, leur ciel, leur nom, leur Dieu, leur mère.

Casimire pâlissait.

— Le grand Condé a couvert de sa gloire la honte d’avoir pris les armes une fois contre sa patrie ; mais il faut s’appeler Condé pour ne pas mourir sous un aussi lourd déshonneur. Les peuples ont pu le pardonner, mais l’histoire le sait, l’histoire l’a écrit : Tel jour, le grand Condé fut un grand coupable. Voilà ce que l’histoire n’a pas oublié ; si elle lui a laissé le nom de Grand, c’est qu’il s’est trouvé un Bourbon dont la trahison avait acquitté d’avance celle du grand Condé.

Casimire pâlit.

— Quant aux autres, ils n’ont pas même le droit de faire valoir leur trahison de second ordre auprès de l’étranger qui les emploie ; quand ils ont fini leur besogne d’encre ou de sang, on les paye avec de l’or s’ils ont réussi, ou on les pend entre les deux frontières s’ils n’ont pas mené à bonne fin leurs trahisons. Voilà ce que je pense de ceux qui servent l’étranger contre leur pays.

Casimire tomba au pied du fauteuil sur lequel elle était assise.

— Oh ! mon Dieu ! qu’ai-je dit, s’écria le commandeur, qui ait pu vous émouvoir ainsi ? Casimire ! Casimire ! peut-être ai-je froissé en vous quelque sympathie honorable, quelque triste souvenir de famille. Je vous en demande pardon à genoux.