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le dragon rouge.

l’attachait beaucoup. Il s’agissait d’amour et d’absence ; comment n’aurait-elle pas écouté avec intérêt ?

— Ma fille, tu ne travailles pas, lui dit Marine. Ces rideaux ne seront pas posés aujourd’hui si tu apportes tant d’attention à ce conte de fée.

D’une main Casimire fit signe à Marine de se taire ; de l’autre elle engagea le marquis de Courtenay à poursuivre.

— Je disais donc que le roi et mademoiselle de La Vallière ne s’étaient pas vus depuis dix ans. Louis XIV, devant les ordres duquel tout pliait, pénétra dans le couvent des Carmélites comme il serait entré chez lui, et fit aussitôt dire à mademoiselle de La Vallière qu’on l’attendait au jardin.

Mon grand-père avait suivi le roi.

Devant la façade intérieure du couvent s’étendait une double allée de marronniers, dont l’épais feuillage formait une large bordure d’ombre. C’est là que le roi, enveloppé d’un mantelet de satin couleur de muraille et adossé contre un arbre, se plaça pour attendre, après avoir fait signe à son page de s’éloigner.

Le page s’élança dans les allées du jardin, illuminé à cette heure de la nuit, d’un magnifique clair de lune.

— Casimire ! Casimire ! les rideaux ne seront pas posés aujourd’hui, ma mignonne.

— Silence ! Marine, silence !

— Curieux comme un page, mon grand-père eût bien désiré être témoin de cette singulière entrevue du roi et de son ancienne favorite…

— Ne vit-il rien, n’entendit-il rien ? demande brusquement Casimire.

— Mais il n’osait cependant s’approcher des marronniers sous lesquels il présumait qu’étaient le roi et mademoiselle de La Vallière, poursuivit le marquis de Courtenay. Que fit-il ?

— Oui, que fit-il ? dit Casimire.

— Il alla se cacher au fond du jardin derrière un bosquet