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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/266

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susceptible de devenir sous sa main une pommade, un onguent, un élixir, un cirage. Il s’établit dans sa fabrique, au milieu de l’élégant appartement qu’il s’était fait meubler. Du haut de son lit de palissandre, il put voir courir, travailler ses nombreux ouvriers, et lire, en attendant son déjeuner, son journal d’opposition.

En 1830, tout bon petit commerçant était dans l’opposition.

Âme généreuse et bonne autant qu’elle était parfois ardente, Marc regretta son ami Marcelin, son compatriote, son compagnon de misère, son complice d’indépendance, son frère dans les travaux du laboratoire, quand ils regardaient tous les deux au fond du creuset en fusion s’il allait en surgir une pierre brute ou une étoile étincelante. La grande science est comme les grandes pensées, elle se loge au cœur. Marc laissa tomber une larme en se voyant seul dans le pavillon.

À quelques jours d’intervalle, le volcan sur lequel on dansait éclata. Mais les danseurs ne furent pas brûlés. C’était la révolution de 1830. On en connaît l’histoire et le roman ; on en connaît même la morale. Laissons donc les généralités. Pourquoi Marcelin avait-il appelé de tous ses vœux cette révolution ? Dans quel intérêt avait-il jeté un pot de fleurs sur la tête d’un pauvre Suisse qui ne lui faisait rien ?

De son côté, pourquoi Marc était-il sorti de son atelier pour aller croiser des balles avec un régiment de ligne dans le faubourg Saint-Antoine ? Quel était son espoir en renversant le gouvernement et en recevant un coup de feu au