Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/101

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encore et soupire après le Messie… Et cela avec la plus grande mesure de respect pour le Roi, mais sans s’en cacher, et moins qu’aucun d’eux les ducs de Chevreuse et de Beauvillier, toute leur famille et Monseigneur le duc de Bourgogne même… » Monseigneur le duc de Bourgogne surtout, pourrions-nous dire. Le P. P., qui s’était donné, ne se reprit jamais. Il vivait sur ses souvenirs, il se réglait d’après les leçons dont il avait été nourri. Pendant la guerre de Flandre il crut un jour qu’à l’exemple du fils d’Ulysse, qui dans le Télémaque laisse la vie au transfuge Acante, il devait épargner le dernier supplice à un espion ennemi qui s’était introduit dans son camp : les représentations des autres généraux ne purent le détourner de cet acte d’imprudente clémence. De toutes les fictions inventées par Fénelon, on l’a justement remarqué, il n’en est pas de plus expressive que le personnage de Mentor. Télémaque ne voit, ne pense, ne parle que par Mentor. Or Mentor ou Minerve, c’est-à-dire la Sagesse, c’est Fénelon. Il est vrai que, l’éducation de Télémaque terminée, Minerve remonte au ciel. Mais le petit prince, devenu roi, eût-il pu se séparer de son maître, tant que son maître, relativement jeune encore, aurait existé ? À défaut de la possession du gouvernement incertaine pour lui-même, Fénelon voyait ses idées régner. La mort du père du duc de Bourgogne, du grand dauphin, sembla un moment rapprocher cette vague et lointaine attente. Comment hésiter à croire que l’ambition de Fénelon, soutenue d’ailleurs par les passions les plus généreuses, suivît par avance l’héritier de Louis XIV jusque sur le trône ? Le duc de Bourgogne enlevé à son tour, tous les liens qui l’attachaient à la vie furent brisés,