Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/103

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les enfants des autres, les fils du duc de Chaulnes, petits-fils du duc de Chevreuse, et jusque dans son extrême vieillesse il faisait les catéchismes de sa paroisse. De même que les grands éducateurs aussi, il respectait dans l’enfant la dignité de la créature de Dieu. Jamais esprit ne se complut moins dans la description des instincts inférieurs de l’humanité. Quelque convaincu qu’il fût et de l’autorité des exemples sur l’esprit de l’enfant et de la nécessité de ne pas écarter de son regard ceux qu’il doit éviter, ce n’est pas lui qui aurait enivré un ilote pour guérir la jeunesse d’un vice honteux par le spectacle de la débauche ; il lui suffit de signaler du doigt le mal discrètement, lorsqu’il le rencontre, et il se hâte de passer. Mais, s’il n’insiste pas sur les faiblesses de la nature humaine, il n’y ferme point les yeux : aucune vérité morale ne lui apparaît qu’avec toutes les nuances qu’elle comporte. Il a l’intuition claire et profonde des défauts comme des vertus des femmes ; et il montre autant de fermeté dans le conseil qu’il a déployé de sagacité dans l’analyse.

Le tact merveilleux de l’écrivain ne le sert pas moins bien que la haute raison du moraliste. On trouverait à peine à relever çà et là dans l’Éducation des filles quelques artifices de style. Ailleurs Fénelon ne résiste pas toujours aux entraînements de son imagination ; il laisse volontiers sa phrase se charger d’ornements au risque de l’alanguir. Même dans les Lettres spirituelles on retrouve trop souvent la marque de cette afféterie ou de cette ampleur un peu molle. Le traité de l’Éducation des filles est d’un bout à l’autre plein et sobre. On ne saurait s’étonner que les citations de l’Écriture n’y soient point rares ; mais elles font intimement corps avec