Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/121

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Sa première éducation avait été conduite sans grande suite et avec quelque sécheresse. Mme d’Aubigné, nous le savons, avait dans l’esprit plus de sérieux que de grâce. C’est dans Plutarque qu’elle apprenait à lire à ses enfants, et elle leur défendait de parler entre eux d’autre chose que de ce qu’ils avaient lu ensemble : moyen intelligent pour les habituer à réfléchir, mais d’une monotonie un peu froide. Elle aimait aussi à leur faire rédiger des lettres, et c’était pour Bignette une fête d’écrire de Paris ou de la Martinique à sa petite cadette de Mursay ; mais les occasions étaient rares. Les soins de Mme de Neuillant n’avaient été ni plus assidus ni plus tendres. Au château de sa tante, Françoise passait la plus grande partie du jour avec sa cousine à garder les dindons. « On nous plaquait un masque sur notre nez, racontait-elle gaiement, car on avait peur que nous nous hâtassions ; on nous mettait au bras un petit panier où était notre déjeuner, avec un petit livre des quatrains de Pibrac, dont on nous donnait quelques pages à apprendre par jour ; avec cela, on nous mettait une grande gaule dans la main et on nous chargeait d’empêcher que les dindons n’allassent où ils ne devaient point aller. » Le commerce de Mme de Villette, s’il se fût prolongé, lui eût été plus profitable. Mme de Villette la faisait observer, analyser, raisonner sur toute chose. Toutefois à douze ans le fonds qu’elle avait pu amasser était bien modeste encore, elle le rappelle plus d’une fois ; et le couvent y ajouta peu de chose. C’est auprès de Scarron, puis chez le duc de Richelieu et le maréchal d’Albret, dans la compagnie de « ce qu’il y avait de mieux à Paris en hommes et en femmes, » que son éducation se compléta,