Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/15

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a l’âme si remplie de son image que Dieu même n’y peut trouver accès et qu’on lui défend de faire ses Pâques. Elle ne se borne pas à exalter sa grâce, sa solidité, son savoir, son esprit, ses talents ; elle transfigure ses défauts ; elle n’entend pas qu’on parle de sa froideur, de ses dédains, de son humeur. Ce n’est point qu’elle s’y méprenne. Elle sait, à n’en point douter, qu’elles ne voient pas les mêmes choses des mêmes yeux, qu’elles ne lisent pas de la même façon les mêmes livres, qu’elles sentent en tout différemment. Bien plus elle n’attend de sa fille « aucune complaisance » ; elle connaît « ses tons et ses résolutions » ; elle n’ignore pas qu’elle ne pardonne à son cœur qu’en faveur de son esprit ; elle la dépeint malignement « ne vivant que de son amour-propre et se contemplant dans son essence, comme un coq en pâte. » « Je crois, lui écrit-elle un jour avec une intention de leçon, que je ferai un traité sur l’amitié. Je trouve… qu’il y a tant de rencontres où nous faisons souffrir ceux que nous aimons et où nous pourrions adoucir leurs peines, si nous avions autant de vues et de pensées qu’on en doit avoir pour ce qui tient au cœur… Je ne parle pour personne, mais ce qui est écrit est écrit. » Finalement, c’est pour elle-même, soit qu’elle le confesse, soit qu’elle s’en taise, qu’elle garde tous les torts. Elle se plaît à cette interversion des rôles. Sa fille peut se comporter comme elle voudra : « elle ne sera pas moins aimée. » Elle la caresse, la flatte, la ménage, elle comprend « qu’à force de vouloir découvrir ses volontés qui