Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pensée avait été bien éclaircie. Autant Mme de Maintenon faisait peu de cas des « discoureuses, » autant elle se plaisait à mettre en lumière celles qui s’efforçaient d’arriver par l’intelligence des choses à la justesse du discours, et elle travaillait elle-même à les y former dans ses Entretiens ou par ses Proverbes et ses Conversations.

Les Entretiens sont une œuvre sans précédents dans notre littérature pédagogique. Soit qu’on fournît le sujet, soit que Mme de Maintenon le choisît elle-même d’après l’occasion ou le besoin du jour, voici quel en était le procédé : Une observation sur un fait qui s’était produit, une règle de conduite générale, une maxime particulière était proposée ; Mme de Maintenon ouvrait la discussion par une question simple, tirait de la réponse une question nouvelle, sans jamais se contenter d’une réponse indécise, provoquait tantôt une remarque individuelle, tantôt une déclaration collective, et peu à peu élargissait le champ ; puis, quand elle l’avait ainsi éclairé en tous sens, elle se donnait carrière, réglant son allure selon la force et l’âge des maîtresses ou des demoiselles auxquelles elle s’adressait, s’assujettissant à une sorte de plan ou s’en affranchissant pour battre les buissons, mais toujours les yeux dans les yeux de son auditoire pour s’assurer qu’elle était suivie, et s’acheminant agréablement à des conclusions qu’elle faisait résumer ou qu’elle résumait avec une clarté souveraine. Ce sont les Dames de Saint-Louis qui nous ont conservé ces Entretiens, et l’expression, heureuse d’ordinaire, n’est pourtant pas toujours celle que Mme de Maintenon avait trouvée sur le vif. Les Proverbes et les Conversations, conçus dans le même esprit