Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/167

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seul soutenir la noblesse et qui la crée » ? Mme de Maintenon faisait profit de tout, d’un incident, d’une nouvelle, d’un mot qui avait échappé à elle ou à d’autres, pour introduire un propos sage ou utile. Il n’est pas jusqu’aux jeux — le prospectus de Saint-Cyr en fait mention — qu’elle ne fît concourir à cette fin. Elle aimait à voir « sauter, danser, courir, jouer aux barres, aux quilles et autres remuements qui font croître » ; elle fournissait et renouvelait incessamment, en se plaignant et en s’amusant tout à la fois de la dépense, les boîtes d’échecs et les damiers ; mais elle ne recommandait pas moins les « jeux d’esprit, » qui mettent les facultés en éveil, les aiguisent et les fortifient ; elle les considérait comme la continuation libre et parfois comme le contrôle piquant des Proverbes ou des Conversations.

À quoi devaient aboutir ces efforts « d’instruction diversifiée » ? Mme de Maintenon n’en attendait pas un résultat immédiat. Comme pour le développement du caractère, elle comptait sur le concours du temps. Elle suppliait les Dames de ne pas se presser, d’aller au jour le jour, de prendre haleine, de ne pas chercher à tout obtenir à la fois, de ne pas se prévenir en bien ou en mal, en mal surtout. Elles avaient semé ; le grain lèverait à son heure ; peut-être ne verraient-elles pas la récolte : telle ne commencerait ou n’aurait fini de s’améliorer que lorsqu’elle aurait quitté Saint-Cyr ; mais qu’importe ? L’éducation n’est-elle pas une œuvre d’avenir ?

XI