Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/171

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de gagner leur pain. Il fallait même parfois entrer en lutte avec les familles, qui ne comprenaient pas qu’on plaçât leurs filles chez une lingère ou chez une coiffeuse ; mais Mme de Maintenon tenait bon. Quand, plus tard, des institutions furent fondées, sur le modèle de l’établissement de Saint-Louis, à Gomerfontaine et à Bisy, elle se défendit formellement d’y admettre les mêmes programmes d’enseignement. Ce n’est pas qu’elle voulût exclure aucune classe des bienfaits de l’éducation : « Dieu, disait-elle, ne fait exception de personne. » Mais il s’agissait de bourgeoises, non plus de demoiselles. L’éducation pouvait être la même, parce que les devoirs généraux sont les mêmes pour tous, et qu’au regard de la conscience et de la raison ils ne comportent pas de distinction ; l’instruction devait être autre, parce qu’autres étaient les intérêts. « Moins de beau langage et plus d’arithmétique, répondait-elle à ceux qui la consultaient. Il faut élever vos bourgeoises en bourgeoises. Il ne leur faut ni vers ni conversations ; il n’est point question de leur orner l’esprit. Prêchez-leur les devoirs de la famille, l’obéissance pour le mari, le soin des enfants, l’exemple à leur petit domestique, la modestie avec ceux qui viennent acheter, la bonne foi dans le commerce, la modération ; qu’elles édifient leurs parents, leurs amis, leurs voisins. Il ne faut pas que le paysan fasse le bourgeois, ni que le bourgeois fasse le gentilhomme ; le monde s’en moque et considère plus ceux qui demeurent dans leur état et qui y vivent avec honneur et probité. »

Tout en donnant aux demoiselles une instruction d’une portée plus haute, elle n’envisageait pas leur condition