Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/192

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ce que quelques heures, elle ne manquerait pas de venir ! Telle ou telle avait besoin d’une semonce, et elle leur faisait à part son petit prône ; on lui avait demandé un entretien général, et elle parlait d’abondance : « ce que Saint-Cyr lui a fait perdre de temps en ce genre, dit Saint-Simon, est incroyable. » Les demoiselles, les novices, les dames avaient chacune leur tour ; elle n’était jamais si pressée qu’elle ne laissât en passant le mot qui porte. « Je suis toujours en train d’éducation, » disait-elle ; et elle aimait à entendre murmurer « qu’elle n’était pas sans talent là-dessus : c’était son sensible » ; pendant dix-huit mois elle avait pris les classes, toutes les classes l’une après l’autre, comme une maîtresse à la tâche, pour se mieux rendre compte. Sa plus grande joie était d’assister aux récréations : elle entrait dans les divertissements et faisait sa provision d’observations. À Rueil elle connaissait toutes ses filles par leur nom : Andrée, Manette, Jacquette, Armande, Bénédicte, Fanchon, Louison ; à Saint-Cyr il n’était personne dont elle ne pût « interpeller les défauts. » Lorsque le roi la menait en campagne, au siège de Mons ou de Dinant, lorsqu’il la retenait à Saint-Germain ou à Fontainebleau, elle écrivait, et c’est à ces absences plus ou moins prolongées, dont elle souffrait et s’attristait, que nous devons son intéressante et si riche correspondance. Tout le monde lui adressait des lettres, et elle répondait à tout le monde. Nulle ne devait craindre de la fatiguer ; il fallait que la demande reçue le matin eût satisfaction le soir : malgré le besoin de sommeil qui la pressait, elle trouvait la force de prendre la plume ou de dicter ; elle écrivait partout où elle trouvait un coin de table, dans une chambre encombrée de monde, avec dix dames,