Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/194

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Il est rare d’associer ce soin minutieux du détail à l’intelligence supérieure des intérêts généraux. Ce qui est plus rare encore, c’est d’y porter l’entrain, la passion. « J’aurais beau frotter votre plancher, disait-elle aux demoiselles, aller querir du bois ou laver la vaisselle, je ne me croirais pas rabaissée ni moins heureuse. » Elle avait des devoirs ailleurs et elle s’y consacrait, mais « non sans en avoir parfois jusqu’à la gorge » ; elle s’en plaint même trop vivement parfois, à notre gré. Ce n’est qu’à Saint-Cyr qu’elle goûtait la pleine satisfaction de son dévouement. Saint-Cyr la consolait des « austérités de la cour. » Jamais existence, on peut en croire son témoignage, confirmé par celui de Saint-Simon, ne fut plus enchaînée aux règles de l’étiquette, plus dépendante de tout le monde ; elle le racontait aux demoiselles : sa chambre à Versailles est comme une église ; depuis le moment où elle se lève jusqu’à celui où elle se couche, il s’y fait comme une procession ; chacun y passe et s’y arrête : le roi ne la quitte, bien portante ou malade, qu’à l’heure qu’il s’est fixée : il faut qu’elle l’écoute, qu’elle l’entretienne, qu’elle l’amuse ; elle succombe sous le poids de la fatigue et des soucis. À Saint-Cyr il semble qu’elle renaisse ; lorsqu’elle a passé le seuil de la maison, sa vie s’illumine. De ses chères filles elle aime tout, leurs négligences, leurs défauts, tout jusqu’à leur poussière. « Je ne crois pas, disait-elle, qu’il y ait de jeunesse ensemble qui se divertisse plus que la nôtre ni d’éducation plus gaie » ; et elle participe à cette gaieté : « quand il s’agit de Saint-Cyr, il est toujours dimanche pour moi. »

Les joies du présent n’étaient pas les seules qu’elle éprouvât. La connaissance qu’elle avait du caractère des